Alors que j'écrivais studieusement mon précédent article, je reçus un appel téléphonique. Au bout du fil (c'est une image, en effet j'ai reçu l'appel sur mon portable), une voix me dit : « Allô ? JC ?, c'est le dieu d'Ethiopie à l'appareil. Je sais que quand tu vas voir des concerts, il t'arrive d'écrire d'excellents articles les relatant. Aussi, je te propose de retrouver tes origines kényanes et de mettre à profit ton savoir-faire pour la bonne cause, la cause rastafarie. Je sais que tu ne refuseras pas, je te promets du spectacle, merci et à demain soir ». Raccrochant le téléphone, je m'entends encore marmonner : « je ne sais pas si il fume, mais il ne manque pas d'air celui-là.... ». Et c'est comme ça que je me suis retrouvé le lendemain à un concert de reggae pour rendre hommage à mes ancêtres.
Amnisty Unplugged était en charge de la première partie. Enfin, c'est ce que je croyais, jusqu'à ce que le chanteur nous annonce à la fin du set que le nom du groupe avait changé (ça me rappelle un groupe maintenant disparu...). Les morceaux étaient assez plaisants se rapprochant d'un reggae dub électro avec beaucoup de réverb. La bonne humeur du chanteur étant communicative, il arriva à faire chanter le public ; un bien bel exploit. Dommage qu'une de ses guitares n'a pas bénéficié de son enthousiasme et que personne n'a pu en entendre le moindre son. L'introduction s'étant bien passée, il était temps d'aller plus loin (c'est possible, si si.... comme disait l'impératrice).
La tête d'affiche pouvait entrer en scène, un sextet de neuf personnes (ça aussi c'est apparemment possible) nommé Droop Lion & The Gladiators et composé de deux claviers, d'un batteur, d'un bassiste, de deux guitaristes, d'un joueur de tambourin, d'un choriste et d'un chanteur (plus proche du lion que de Droopy) qui avait dû confondre cannabis et amphétamines. Les morceaux 100% pur reggae chantés par une espèce de chaman en transe jamesbrownique (non non, pas tout de suite) accompagnèrent le public jusqu'au bout de la nuit. A mille lieues de là, et pourtant à seulement trois mètres, le choriste qui avait été emmené là en lui tenant la main ne bougeait pas d'un cil. Était-il saoul ? Était-il malade ? Était-il aveugle ? Était-il membre d'une nouvelle philosophie stoïco-rastafarie ? Souhait-il rendre hommage aux victimes de Sodome et Gomorrhe ? Était-il une, plusieurs ou aucune de ces hypothèses ? Vais-je répondre à ces questions ? Vous le saurez si vous lisez la suite (J'aime m'inspirer de ce que je vois à la télévision, ici, vous avez un aperçu de l'art du teasing, ou comment faire naître un désir pour quelque chose qui n'a aucun intérêt. Ne me remerciez pas, ce cours était gratuit). Toujours est-il que l'homme est resté inerte pendant la totalité du concert. A ce moment là, je me dis que ça faisait un peu léger pour écrire un article et que le dieu d'Ethiopie s'était bien foutu de ma gueule. Je commençais même à trouver le temps long (15986 morceaux toujours sur le même rythme, c'est un peu lassant). Quelques personnes s'éclataient tout de même, deux quinquagénaires (je n'ai pas vu leur pièce d'identité, c'est ici un jugement purement capillaire) gesticulaient plus qu'ils ne dansaient pendant que d'autres courraient sur place en montant leurs genoux le plus haut possible. Au bout de quelques heures, alors que les personnes les plus fragiles du public commençaient à partir, elle apparut. Venue de nulle part (de derrière le public, en fait), une jeune fille fortement avinée se mit à parler et à draguer ouvertement un des guitaristes. Celui-ci, certainement « à cran » à cause de la tournée, la fit monter sur scène. Elle dansa alors lascivement avec lui (ce qui ne le laissa pas indifférent), lui noua son écharpe autour du cou, puis alla voir tous les musiciens. Le choriste, tout à son ouvrage, ne bougea pas une oreille. Elle en profita pour chanter dans son micro. Le chanteur qui était occupé à présenter les musiciens se retourna et vit l'intruse. Il fit un arrêt sur image et fusilla le guitariste du regard. Celui-ci prit un air penaud (qu'il ne joua pas) et la « sécurité » comprit qu'il était temps d'évacuer la fautive. 17 secondes plus tard, elle tentait un retour mais celui-ci avorta (ce qu'aurait dû faire sa mère ?). Le guitariste à l’affût, continuait de faire des clins d’œil à sa belle dès que le chanteur ne regardait pas. Le rappel effectué, le groupe rentra dans sa loge, non sans que le choriste salua le mur pour sa prestation. Il était tard comme disent les jeunes grenouilles et alors que je rentrais chez moi et que je n'avais reçu aucune effluve cannabique, les questions se bousculaient dans ma tête. Belle de nuit allait-elle récupérer son écharpe ? Est-ce que la nuit, tous les chats sont gris ? Le guitariste allait-il conclure ? L'appel du bar allait-il être plus fort que la pelle du guitariste ? Le reggae doit-il être légalisé ? Pourquoi Groquik a-t-il été viré de chez Nesquik ? Qui qui qui sont les Snorkies ? Qui a volé l'orange du marchand ? Quel événement de ce récit n'a pas vraiment eu lieu ? Et surtout, qui a donné mon numéro de téléphone au dieu d'Ethiopie ? Je me couchai avec mes questions en pensant que les voies de ce seigneur là étaient impénétrables contrairement à d'autres et qu'avec une conclusion aussi dégueulasse, il ne serait pas près de me rappeler de sitôt pour écrire un article.
Et pour les plus curieux, une vidéo de la seule référence citée :