Que faire un dimanche soir à 20 h ? Eh bien, la solution de facilité est de regarder la télévision. Qu'y avait-il sur les petits écrans au soir du 20 novembre ? Quelques journaux consacrés aux primaires de la droite en vue des élections présidentielles de 2017 (oui j'aime être précis) ou Zorro. Il y a bien quelques autres chaînes mais je ne suis pas le programme TV. J'avais aussi la possibilité d'aller écouter un concert de hard rock. « Choix cornélien ! (rien à voir ni avec l’oiseau ni avec le chanteur qui vient de loin) » me direz vous. Coté pile, nous avions donc les primaires mais une fois les résultats connus je ne voyais pas l'intérêt de regarder des gens se paraphraser, être heureux, malheureux, pleurer seuls ou même à deux. Côté face, l'inaltérable Zorro se proposait sous sa cape, l'épée à la main tel un vieux monsieur au regard étrange en imperméable devant une école primaire. Mais je décidai de ne pas regarder ce Monsieur Renard (rien à voir avec Bertrand ni avec Renaud) harceler ce pauvre soldat parce qu'il a trop abusé des fajitas de l'auberge locale. Je tranchai donc et allai voir le concert, ce qui n'est pas vraiment une surprise pour un lecteur de ce blog...
À mon arrivée, alors que la tempête Nanette qui devait être dévastatrice avait accouché d’un pet de lapin, la véritable fureur était dans la salle. Le grand chanteur chevelu du groupe Genus Ordinis Dei s'excitait nerveusement sur sa guitare comme un adolescent sur ...ce qu'il a sous la main, en chantant ou pour un public non initié en poussant des cris gutturaux, comme ce même adolescent trahi par la mue de sa voix. A ses côtés se trouvaient un bassiste et un guitariste encapuchonnés tandis que le batteur comme puni par sa maîtresse était derrière, dans un coin de la scène. Le death métal du groupe, un peu dans le genre de Children of Bottom était joué très fort. Il n'était pas mauvais même si je ne suis pas spécialement amateur de cette forme de chant. De plus, j’eus l'impression que toutes les introductions des morceaux étaient constituées de la même façon : une partie au clavier pour donner une ambiance pesante puis un rythme de batterie faisant « tatata tatatatata » (pour les puristes de la batterie qui comprendront). Les lecteurs attentifs auront remarqué que je parle de clavier mais que je n'ai pas cité de joueur de clavier, et penseront à un oubli de la part de l'auteur de cette critique. Eh bien non, ce n'en n'est pas un car pour ce groupe comme pour les deux autres à venir, les parties au clavier étaient jouées depuis « l'au delà » et non depuis la scène... Après trente minutes de musique plutôt dure, les musiciens se déridèrent et avant de quitter la scène jetèrent aimablement leur médiator à quelques fans adressant quelques signes qui ressemblaient au salut klingon au public. Celui-ci répliqua par des signes de cornes (salut bien connu dans le milieu du hard rock), des poings levés genre Black Panthers, des bras levés genre publicité pour déodorant ou de simples applaudissements plus simples mais aussi plus compréhensibles.
La lumière apparut et alors que je n'avais jusque là rien remarqué de particulier dans le public je vis des coupes de cheveux étonnantes qui avaient des couleurs dont j'ignorais jusque là l’existence. Parmi les spectateurs il y avait un fan de matrix vêtu d'un grand manteau noir avec d'énormes pattes tombant sur les joues, une fille avec une coiffure digne de double face dans Batman puisque ses profils droit et gauche étaient totalement différents mais surtout le sosie de John Travolta dans Pulp Fiction quand Vincent Vega vient de sauver Mia Wallace de son overdose et qu'il rentre chez lui en voiture, l’œil fatigué, le teint pâle et le visage un peu bouffi. La seule différence entre Vincent Vega et notre amateur de gros son est le costume qui était ici remplacé par une robe longue qui dévoilait deux mollets poilus. Le public calme semblait avoir plutôt apprécié ce premier groupe, comme cette personne qui dit à une autre : « c'était pas mal, y a plus bourrin, là y a des mélodies ».
Le second groupe à faire son apparition était Forever Still. Il était composé d'une chanteuse qui se plaça derrière un pied de micro représentant deux mains liées, d'une guitariste, d'un bassiste et d'un batteur tous aussi chevelus les uns que les autres. Ils arboraient non pas des tatouages comme je le pensais quand ils sont entrés sur scène mais des traits épais de peinture noire dont je cherche encore la signification. Le manque de place sur la scène dû au matériel déjà installé de la tête d'affiche poussait le grand bassiste à se mouvoir tel un lion en cage. Le début du concert était presque pop mais bientôt il devint beaucoup plus hard et métal au gré des cris de la chanteuse : la jolie Danoise ayant une palette vocale assez intéressante allant de la douceur sensuelle au cri rageur. Musicalement, le groupe n'était pas éloigné de Within Temptation ou d'Evanescence. Je décidai d’ailleurs de partir au Danemark avec la guitariste et la chanteuse mais me ravisai quand je compris qu'il faudrait que j'amène le bassiste et le batteur dans mes bagages.
La lumière revint et quelqu'un proposa d'aller chercher des bières. Vingt-et-une personnes se tournèrent vers cette âme charitable puis vingt d'entre elles (dont moi) se retournèrent comprenant que la proposition ne leur était pas adressée. Un peu plus tard, pour la première fois depuis bien longtemps un début d’embrouille éclata entre deux spectateurs, je n’enquêtai pas et laissai la tête d'affiche de la soirée se mettre en place.
L'obscurité faite, une musique cosmique retentit. Les membres de Lacuna Coil se positionnèrent sur la scène tous vêtus d'une combinaison blanche maculée de taches sombres et tous plus ou moins maquillés ou peints. Le batteur, qui avait deux de ces combinaisons blanches avec des inscriptions et deux masques suspendus derrière lui, portait une capuche et avait le visage grimé en tête de mort. Le maquillage du bassiste le faisait ressembler à un clown quand le guitariste affichait un trou de balle dans le front (je ne ferai pas de blague sur sa supposée souplesse). La chanteuse paraissait être griffée tandis que le chanteur avait le cou et le bas de la tête peints de noir. J'écoutai attentivement le concert essayant de comprendre ce que pouvaient être ces combinaisons : des tenues de cosmonautes (en relation avec la musique d'introduction), des uniformes de prisonniers, des camisoles de force ? Qu'étaient ces tâches ? De la terre ? Du cambouis ? Du sang ? Du ketchup ? Ces cinq personnes s'étaient elles crashées sur une planète lointaine ? Dans ce cas les taches ne peuvent être dites de terre mais être pourquoi pas des traces de mars (et non de toi, merci Alain et non de barre chocolatée). Me demandant si on devait parler d'ammarsage raté, je vis la chanteuse revenir des coulisses avec une espèce de robe de mariée, elle aussi tachée (certainement par le gâteau de mariage parfum chocolat framboise). Ne comprenant décidément rien au concept, je me consacrai à la musique du groupe. Alors que je m'attendais à des morceaux ressemblant à Within Temptation, j'eus la surprise d'entendre des chansons plus proches de Theatre of Tragedy. En effet, le groupe Italien, influencé par Type O Negative jouait un métal assez gothique et assez lourd dans lequel le chanteur mais aussi parfois la chanteuse poussaient quelques cris. Après une grosse heure de concert et un court rappel, chacun rentrait chez soi. De mon coté je repartais perplexe. Les concerts avaient été assez bons mais j'étais passé à coté des différentes histoires que les groupes étaient venus me raconter alors que j'avais totalement adhéré il y a peu au rap venu d’outre-Rhin. Le monde était-il en train de changer ? Pris par ce vertige, je décidai que la seule chose à faire urgemment était d'aller me coucher.
Pour les plus curieux, voici des vidéos des références citées :