Certains se demandant (ou pas) pourquoi je n'ai pas écrit d'article sur l'excellent concert d’Arno auquel j'ai assisté le mois dernier, je m'en vais de ce pas leur répondre (même à ceux qui ne se posaient pas la question, soit car ils ignoraient que j'avais été voir Arno, soit, le cas le plus probable, car ils s'en moquent comme du dernier titre de Tragédie). Comme vous le savez, la plupart de mes articles fait la part belle aux premières parties, souvent perfectibles et qui de ce fait donnent du grain à moudre à mon moulin cérébrale. Personne n'ayant assuré celle-ci, une grosse partie de cet hypothétique article en aurait été amputée. De plus, comme j'aime étudier mes contemporains, j'ai pris pour habitude de vous décrire cette faune parfois fabuleuse qui compose un public de concert. Mais cette soirée là (chère à Yannick), aucun fait marquant ne se produisit qui aurait mérité une ligne dans un de mes articles. En effet, personne n'était saoul, un comble pour un concert d'Arno, un peu comme si aucune effluve cannabique ne venait parfumer un concert de Sinsemilla. Alors, vous ne saurez rien de l'énergie dégagée par le chanteur d'Ostende capable de chanter en anglais, en français, en flamand et peut-être même en hébreux et en wolof. Vous ne saurez rien de sa fantaisie et de son humour mais je vous encourage grandement à aller l'écouter car j'ai passé un très bon moment.
Deux jours plus tard, un bestiaire bien plus exotique se donnait rendez-vous au même endroit pour un concert de trois groupes estampillés heavy métal.
Ayant un emploi du temps excessivement garni, j'arrivai juste à temps pour me rendre compte que j'aurais du mal à trouver une place de parking proche de la salle et que j'allais donc arriver en retard...
En effet, quand je pénétrai dans la salle, elle était plongée dans l'obscurité et Serenity jouait déjà. Je me faufilai alors entre de nombreuses ombres humanoïdes pour m'installer à une distance raisonnable de la scène. Sur celle-ci, un chanteur avec une veste à galons et à boutons dorés me rappela le style vestimentaire du Jean-Luc Lahaie des débuts. Était-ce lui qui s'était rasé la tête pour passer inaperçu ? Aucune mineure n'étant à ses côtés, j'en conclus que non. La musique était plutôt festive : un power metal symphonique oscillant entre la célébration de la fête celtique de la marmotte et des génériques de dessins animés japonais survitaminés racontant l'histoire d'un enfant mal dans sa peau, qui se sent différent des autres et qui part à l'aventure pour découvrir qui il est vraiment en voulant sauver le monde : bref, un adolescent. Les visions se bousculèrent alors dans ma tête : Enfants ? Adolescent ? Et si c'était bien lui ? Un frisson glacé me parcourut le dos et alors que j'allais hurler « Non ! Jean-Luc ! Déconne pas ! Fais pas le con ! Lâche ce micro ! Enlève au moins le pied ! », j'entendis un morceau me faisant penser à Helloween puis un autre à Europe. Ouf, ça ne pouvait être lui. Serenity faisait bouger le public notamment en l'invitant à taper dans les mains ou à agiter les poings en criant des « Hey ! Hey ! Hey ! Hey !» comme le feront d'ailleurs les deux groupes qui suivront. L'ambiance était bon enfant (non ! Jean-Luc !) et je regrettais juste l'absence de la jeune chanteuse (du calme Jean-Luc, elle est majeure) qui accompagne le groupe d'habitude, malgré le bon travail au niveau des chœurs.
Après une dizaine de morceaux, le groupe quitta la scène et la lumière revint. J'en profitai alors pour découvrir d'un bref coup d’œil de quoi était composé le public : du jean, du cuir, du piercing, du tatouage, du tee-shirt dédié à son groupe préféré, du barbu, du rasé, de la crête, de la couleur. Toutes les franges (merci à Jacques Dessange) du hard rock étaient représentées : du métalleux au punk en passant par le grunge (je faillis presque perdre connaissance devant le fantôme de Layne Staley). Il y avait même juste devant moi, deux personnes en robe de bure monacale, le visage grimé à l'aide de peinture noire et blanche. Je me dis alors que c'était sympa de la part des membres du groupe Powerwolf d'assister à leurs premières parties au cœur du public. Puis, alors que j'écoutais l'histoire véridique d'un bûcheron qui racontait qu'un de ses collègues était tombé d'un arbre en tronçonnant la branche sur laquelle il était assis, je vis une septuagénaire en tailleur (pas la position). Peut-être était-ce la première fois de sa vie que sa tenue pouvait paraître saugrenue aux yeux de certains.
Je n'y prêtais guère attention jusqu'à l'arrivée de Battle Beast. Je crus en effet tout d’abord que la chanteuse était une de ses anciennes camarades de classe. Il n'en était en fait rien, puisque c'est son maquillage (et ma myopie couplée à mon astigmatie) qui me l'a faisait apparaître bien plus vieille qu'elle ne l'était en réalité. Le groupe jouait un métal très eighties avec de nombreux solos de guitare. Le côté revival était à son apogée grâce à la guitare clavier (un keytar pour les experts) de l'un des musiciens. Celui-ci réussira d'ailleurs l'exploit de boire une bière cul sec (et sans les mains) tout en continuant à jouer. La voix très aiguë de la chanteuse accentuait quant à elle, l'aspect guerrier du groupe et accessoirement faisait saigner quelques tympans ce qui excitait un peu les penchants cuir-masochistes de certains spectateurs.
Quand la lumière se ralluma, la seule remarque négative que j'ai entendue était que le clavier était très clavier (mais je ne sais pas si c'était à l'encontre de Battle Beast ou envers le dernier film de Christian). Je profitais de l'entracte pour vérifier que je n'avais raté personne lors de mon premier tour d'horizon et aperçus quelques couples ayant connu les premières guitares Fender ou Gibson Les Paul. Je compris alors que je ne connaissais pas tous les sous-genres du heavy métal et que l'une d'entre elles était composée de retraités chics. Ceci me fit chaud au cœur car dans quarante ans, quand j'aurai à peu près soixante ans, je pourrai créer à mon tour une nouvelle sorte de fans de heavy métal : les défraîchis déguenillés. Et peut-être même nous battrons nous pour quelques sénilités contre les retraités chics à grands coups de déambulateurs.
,,,Mais revenons à notre concert. Les deux groupes ayant accompli leur mission en chauffant à blanc le public, Powerwolf n'avait plus qu'à enfoncer le clou en mettant le feu avec son powermétal. (bonjour aux tabliers de forgeron, à qui je ne fais tout de même pas la bise). Alors que le groupe commençait à jouer, je remarquai très vite que les deux personnes qui étaient devant moi pour les deux premières parties y étaient encore, j'en conclus qu'elles ne faisaient pas partie du groupe (admirez cette faculté d'analyse) mais étaient en fait deux fans au sens le plus stricte du terme. Les premiers morceaux étaient du pur powermétal puis au fur et à mesure (comme me le souffle Liane Foly) ils se firent gothiques et donc plus en adéquation avec les costumes salis de soldat et de religieux morts-vivants revêtus sur scène. Ça jouait vite et bien et quelques pogos s'improvisèrent ainsi que quelques slams aux atterrissages plus ou moins ratés. Le chanteur et le claviériste dont le jeu renforçait la théâtralité du concert organisèrent quant à eux plusieurs concours de chant (et/ou de cris). Le show était partout et surtout devant moi. En effet, les deux fans absolus de Powerwolf les encourageaient entre chaque morceau suivis par le reste du public. Sur les premières notes d'un titre, ils s'assirent même en tailleur (pas le vêtement) pour prier. La communion entre le groupe et les spectateurs était bien réelle. Après un rappel et des acclamations bien méritées, le groupe allemand quitta la scène en pensant certainement que si leurs grands parents avaient fait de la musique, ils auraient été mieux accueillis en France. Le public désertait lui aussi la salle à l'exception de deux résistants en robe de bure.
Je n'avais plus entendu parler allemand, anglais et latin le même jour depuis le collège, et à l'époque, je n'étais pas bien fan. Au moment de rentrer chez moi, je pensai que mes professeurs de l'époque auraient peut-être dû chanter, eux aussi...
Pour les plus curieux, voici des vidéos des références citées :